Antoine a dix-sept ans.
Il vivait avec sa mère,
son beau-père et les enfants de ce dernier.
L’enfer de la rue, il le connait déjà.
l’appart il était trop petit pour tout le monde
on m’appelait pas pour manger mon beau-père
il me disait de la fermer y avait pas d’assiette pour moi
pas de couverts rien
ils allaient voir papy et mamy on me disait rien
c’était tout pour les petits rien pour moi
ils m’ont trop mis des bâtons dans les roues
je sais pas comment expliquer
moi je voulais juste draguer les filles faire
de la musique la fête avec des copains vous voyez
mon beau-père
mon beau-père c’était pas ça
mes notes ça n’allait pas
je faisais toujours trop de bruit
j’étudiais pas assez je sortais trop
j’allais pas droit j’aurais dû
alors quand il me frappait
ben voilà
voilà
tu dis c’est juste quelques jours madame j’ai quelques problèmes
mais ça va je vais m’en sortir vous en faites pas
mais non ça va pas
j’ai nulle part où aller
quand je suis parti mon beau père gueulait que j’avais pas intérêt à revenir
ma mère pleurait
elle disait rien elle est restée avec lui elle est restée et puis
désolé
j’ai pas tenu longtemps je veux dire l’école dormir chez des potes
et puis quels potes ils étaient pas là
de toute façon leurs parents ils veulent pas que je traîne avec eux
je suis pas comme il faut
on me regarde partout où je vais on se fout de moi
tu vois d’un coup tu comprends que tu peux compter sur personne
alors faut partir là où on te connait pas
quand t’es trop déprimé y a toujours des gens dans le centre
tu vois des gars qui font la fête ils sont bourrés ils comprennent pas vraiment
ce qui se passe ils s’en foutent d’où tu viens
si tu t’en sors bien tu deviens pote ils te paient des bières te passent
une clope ou deux tu te sens moins seul
mais ça dure pas longtemps
tu vas les suivre dans les bars ils te filent des trucs
des machins
tu vois ce que je veux dire
sur le coup tu crois que t’es bien mais non
après c’est pareil y a nulle part où aller
chez ma mère laisse tomber non
non
j’espère pas qu’elle m’attend
peut-être qu’elle le fait c’est possible je sais pas
dormir sur un banc c’est galère sérieux
vas-y tu tires sur ta dernière cigarette
dans le noir et tu entends des bruits autour de toi
qu’est-ce que tu fais
alors tu marches et tu marches toute la nuit
t’attends le soleil c’est sans fin
peut-être qu’il y a une place après dans un centre
quelque part
et là t’as la rage parce que tu te dis merde
si c’est déjà comme ça maintenant
qu’est-ce ça sera à dix-huit ans est-ce que je suis foutu
est-ce que je suis foutu