On n’accompagne pas des femmes sans abri comme on accompagne des hommes sans abri. Parce que leurs trajectoires de vie sont différentes, parce que leurs besoins et leurs attentes sont spécifiques, les approches à développer et les outils à mettre à leur disposition doivent être différents.
Aujourd’hui dans le secteur sans-abri, force est de constater que ce n’est pas (suffisamment) le cas. Et L’Ilot n’échappe pas à ce constat.
Après avoir pendant plusieurs décennies construit son offre de services pour répondre à une demande provenant très majoritairement d’hommes seuls, le secteur sans-abri a peiné – et peine encore – à s’adapter à l’évolution de ses publics. Ces dernières années, les opérations de recensement de la population sans-abri en région bruxelloise (de tels dénombrements ne se font pas encore dans les autres régions mais les observations faites sur le terrain révèlent les mêmes tendances) ont notamment fait apparaître une présence de plus en plus massive de femmes et de familles (majoritairement des mères monoparentales).
Et rien n’est moins étonnant : toutes les études et statistiques démontrent que la situation socio-économique des femmes est globalement moins bonne que celle des hommes et que la précarité, qui gagne chaque année du terrain et se renforcera encore à la sortie de la crise sanitaire que nous vivons actuellement, touche, tout au long de leur parcours de vie, plus gravement les femmes que les hommes.
Que ce soit en matière d’emploi, de santé, de logement, de pensions, de justice, d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, de place dans l’espace public, etc., les multiples causes d’inégalités entre femmes et hommes sont aujourd’hui largement connues et documentées. Pour autant, les solutions concrètes pour enrayer ces inégalités ne sont pas suffisantes, les volontés politiques pour les financer pas assez ambitieuses, les mentalités pas forcément prêtes à les accueillir.
Notre secteur malheureusement ne fait pas exception : infrastructures d’accueil peu/pas adaptées au public féminin, inadéquation des outils existants, méconnaissance des enjeux liés aux droits des femmes, insuffisance d’espaces dédiés à recueillir leur parole, manque de formation des équipes psychosociales à la problématique des discriminations (croisées) de genre, manque de données qualitatives et quantitatives sur la réalité des parcours de femmes sont autant de freins à la mise en place d’un accueil de qualité, digne et respectueux, spécifiquement pensé pour et avec les femmes en situation ou en risque de sans-abrisme.
Au-delà des actions et projets déjà mis en place par le passé et qui constituent les premières pierres de ce nouvel édifice, L’Ilot veut aujourd’hui relever le défi d’un accueil de qualité basé sur une approche globale respectueuse des droits des femmes et visant leur émancipation.
Cela demande de remettre en question toutes nos pratiques, de changer notre regard et de retrousser nos manches pour convaincre tous ceux et toutes celles qui seront nos meilleur·e·s allié·e·s dans ce nouveau défi.
Nous compterons sur chacun et chacune d’entre vous.
Ariane Dierickx,
Directrice générale de L’Ilot