fbpx
Posts Tagged :

enfants

Kart #7 | Aller à l’école, mais dormir à la rue : une réalité inacceptable 1024 576 L'Ilot

Kart #7 | Aller à l’école, mais dormir à la rue : une réalité inacceptable

Illustration : ©Espace Fragile - Judith Faraoni

Chaque rentrée scolaire nous ramène à un moment de vie empli d’émotions. Qui racontera le plus souvent l’état d’excitation… ou d’angoisse, c’est selon, qui était le nôtre à cet instant précis. Souvent associée à la fin des libertés estivales, la rentrée scolaire est pourtant le rendez-vous le plus structurant de notre société.

Celui qui, plus jeunes, nous a permis de sociabiliser, grandir, comprendre, échanger ou apprendre. Celui qui nous a toutes et tous, aussi, un jour ou l’autre, obligé à la comparaison : de nos cartables, de nos tenues, de nos goûters... Bien plus que de l’apparat, l’école est un miroir qui raconte qui nous sommes. Notre destin, notre famille. Notre chance d’être là aussi.

On le sait à L’Ilot, être attendu·e quelque part le jour de la rentrée scolaire est déjà une chance en soi. Ce lundi 28 août, toutes et tous n’auront pas la chance d’intégrer une nouvelle classe, de retrouver les copains et copines, de raconter les souvenirs d’été ou, tout simplement, de changer de quotidien. Car malheureusement, la routine de la plupart des enfants sans abri, c’est l’absence de scolarité.

D’autres enfants seront scolarisés sans pouvoir retrouver, chaque soir, un environnement sécurisant indispensable à leur bien-être. En Belgique, près d’un enfant sur cinq vit en effet sous le seuil de pauvreté et connaît la déprivation[1]. Rien que sur le territoire régional bruxellois, près de mille enfants vivent sans logement[2] : ils et elles sont accueillies dans des structures d’hébergement provisoire, des centres d’urgence ou connaissent l’errance en rue, dans certains cas sans même être accompagnés par des adultes. Mais comment appréhender sereinement une rentrée scolaire quand on n’a pas de chez-soi ? Comment suivre une scolarité « normale » dans un quotidien dicté par l’instabilité et la survie ?

C’est à ces questions et à de nombreuses autres qu’à L’Ilot nous avons voulu donner la priorité à la veille de la rentrée scolaire.

La preuve par l’exemple dans cette KART consacrée à la scolarité des enfants sans abri.

Bonne lecture,

Ariane Dierickx, directrice générale

[1] Anne-Catherine GUIO et Frank VANDENBROUCKE, La pauvreté et la déprivation des enfants en Belgique. Comparaison des facteurs de risque dans les trois régions et les pays voisins, Fondation Roi Baudouin, décembre 2018

[2] Dénombrement des personnes sans chez-soi en Région de Bruxelles-Capitale – Septième édition, 8 novembre 2022, Bruss’help, Bruxelles, mai 2023

Kart #7 | « Le cœur du projet, c’est véritablement le bien-être de l’enfant. De lui permettre de retrouver son insouciance. » 1024 576 L'Ilot

Kart #7 | « Le cœur du projet, c’est véritablement le bien-être de l’enfant. De lui permettre de retrouver son insouciance. »

Illustration : ©Espace Fragile - Judith Faraoni

Les jours se suivent et ne se ressemblent pas toujours au sein de la Maison d’accueil pour familles de L’Ilot pour familles. Les veilles de rentrée scolaire encore un peu moins que les autres. Cette année à nouveau - parce qu’une des priorités de L’Ilot est de permettre à chaque enfant, quel que soit son parcours de vie, d’être scolarisé·e  -, ce sont ainsi plusieurs enfants accueillis dans la Maison qui prendront à nouveau le chemin de l’école chaque matin. Comme n’importe quel autre enfant. Trajectoire de vie cabossée non comprise.

« On prend souvent l’exemple de « Bienvenue chez les Ch’tis » pour résumer la situation des enfants qui fréquentent la maison », analyse en cinéphile Jean-Luc Joiret, directeur de la Maison. « Parce qu’ils pleurent en arrivant, mais aussi en repartant. »

Le but premier des travailleurs et travailleuses sociales de la Maison d’accueil pour familles est d’abord de rendre le séjour des enfants le plus agréable possible. « De leur permettre de retrouver tout simplement une place d’enfant », appuie encore Jean-Luc. « C’est-à-dire de ne plus les « parentaliser » à l’excès comme c’est malheureusement souvent le cas. Faire en sorte qu’ils n’aient plus à porter les problèmes de leurs parents et qu’ils puissent retrouver un peu d’insouciance, celle qui permet de grandir dans la légèreté. Le cœur du projet, c’est véritablement le bien-être de l’enfant. »

Bénéficiant de l’agrément en Soutien à la Parentalité octroyé par la Cocof, la Maison œuvre aussi à la reconstruction d’une relation parent-enfant parfois abimée par les drames vécus par la famille. Parallèlement, l’équipe travail à faire vivre au quotidien un projet pédagogique visant aussi le suivi scolaire.

« C’est toute une manière de travailler dans le suivi psycho-social qui a pour finalité la reconstruction de l’enfant en tant qu’enfant, en ce compris le suivi de son évolution. Mais l’idée, c’est aussi de réussir à le déconnecter de sa trop dure réalité. De lui permettre de retrouver son insouciance : leur réapprendre à rire et à jouer, c’est presque le cœur du travail des éducateurs et éducatrices qui s’occupent des enfants. »

Un détachement que l’école participe à offrir également. « C’est pour ça que c’est important pour nous que les enfants qui fréquentent la maison soient scolarisés. Et c’est le cas de 99 % d’entre eux », confirme Jean-Luc. « Cela dépend de l’autonomie des parents, mais il arrive que nous intervenions dans les démarches administratives liées à l’inscription. »

Responsable des activités enfants, Emilie, travailleuse sociale, organise des activités pour les plus petits tous les mercredi après-midi. « On y aborde des thèmes variés. L’idée c’est de leur permettre de s’exprimer, de favoriser la mise en place de leurs émotions. De les faire parler de leur rapport à la scolarité parfois, mais surtout de leur intégration à la vie en collectivité. Et puis, de leur faire comprendre que c’est normal de ressentir parfois de l’injustice. »

A défaut d’un véritable « chez-soi », les enfants de la Maison pour familles de L’Ilot ont accès à des oreilles bienveillantes pour les écouter à leur retour de l’école. Un accompagnement indispensable pour limiter au maximum les risques de décrochage scolaire.

Participez à la soirée Bingo de L’Ilot animée par Aymeric Lompret ! 1024 577 L'Ilot

Participez à la soirée Bingo de L’Ilot animée par Aymeric Lompret !

Un événement festif destiné à célébrer l’ouverture du premier Centre de jour pour femmes sans abri en Belgique. L’aboutissement d’un projet au long cours pour notre association et l’occasion pour nous de vous convier à une soirée événement à La Tricoterie ce samedi 1er juillet.

L’ASBL L’Ilot lutte contre le sans-abrisme depuis 60 ans. Si l’inauguration d’une nouvelle structure signifie de facto que la lutte contre le sans-abrisme en Belgique est loin d’être terminée, l’ouverture de ce premier Centre de jour pour femmes sans abri en Belgique marque la reconnaissance de notre combat pour la prise en compte d’un sans-abrisme au féminin.

CONCRÈTEMENT, C’EST QUOI CETTE SOIREE BINGO ?

Un moment délirant en compagnie de l’humoriste français Aymeric Lompret ! Révélé entre autres sur les antennes de France Inter, Aymeric Lompret tourne actuellement en France et en Belgique avec son spectacle « Yolo », lui qui vit depuis plusieurs années au-dessus d’un Centre de jour pour personnes sans-abri à Lille.

Pour l’occasion, il nous fera le bonheur d’animer une soirée Bingo (19h-20h30) exceptionnelle autour de la thématique du sans-abrisme. Du rire absurde, mais conscient. A la clé, de vraies barres de rires, mais surtout des vraies places de stand-up pour aller le voir lui et ses copains sur scène !

La soirée continuera sur le dance floor avec DJ Gaz & Mc Ginette (21h-22h30) ! Au programme, du bon son dans les oreilles et une playlist garantie à 99% voix féminine ! Viendra ensuite l’heure de Club Chaos (22h30-00h00) et leur enivrant VJing.

Le tout entrecoupé d’un accès au buffet concocté avec les produits de la récolte alimentaire de L’Ilot et de l’ultra Happy Hour (18-19h).

Chaque réservation comprend donc :

  • L’entrée à notre événement
  • Le(s) verre(s) de l’amitié offert entre 18 et 19h
  • L’accès à notre buffet concocté avec les produits de la récolte alimentaire de L’Ilot
  • Un carton de participation au Bingo animé par l’incroyable Aymeric Lompret
  • L’accès à la soirée dansante qui suivra !

Prix : 30 € par personne. Les instructions de paiement vous seront communiquées à la suite de l’envoi de votre email.

Aussi, pour maximiser vos chances de gains, mais aussi faire un geste envers notre association, d’autres cartons de Bingo seront également disponibles à l’achat le soir même.

Il vous sera également possible d’acheter Les Pots de L’Ilot, un projet d’économie sociale de produits certifiés bio, en bocaux pasteurisés, préparés par une équipe de personnes qui suivent un programme de (pré)formation aux métiers de l’Horeca. Notre gamme compte à ce jour 3 préparations végétariennes. Plus d’infos ici.

Pour la suite de la soirée, le bar de la Tricoterie vous sera accessible.

AU PROGRAMME
  • 18h-19h : l'ultra Happy Hour
  • 19h-20h30 : Bingo animé par Aymeric Lompret
  • 21h-22h30 : DJ Gaz & Mc Ginette
  • 22h30-00h00 : Club Chaos

Prix : 30 € par personne.

RESERVATION OBLIGATOIRE AVANT LE 15 JUIN VIA INFO@ILOT.BE

Kart #6 | Le sans-abrisme caché 1024 576 L'Ilot

Kart #6 | Le sans-abrisme caché

Pendant longtemps, il était plus facile de ne pas y penser. Ou de se contenter de tenir pour acquis ce que voyaient nos yeux. « Sans abri », c’était d’abord désigner un homme. Barbu de préférence. Aux vêtements sales et aux chaussures trouées. Au visage marqué par la vie. Des signes distinctifs, comme autant de barrières. Celles-là ne nous empêchaient pas de partager leur détresse, mais installaient par la force des choses une distance. Un fossé entre la situation de cet homme seul assis sur un carton et de la jeune femme qui l’observe. Une femme qui se pensait préservée. Oui, mais de quoi ? Et par quel miracle ? Pourquoi le sans-abrisme connaitrait-il une frontière genrée ?

La question n’a plus lieu d’être. En 2023, le sans-abrisme caché est, on le sait, d’abord et aussi du sans-abrisme au féminin. Une réalité invisible avant, mais que nos dernières initiatives en la matière, comme notre recherche-action sur la violence vécue par les femmes sans abri, ont eu le mérite de rendre concrète. Conséquence de quoi, en juin prochain, L’Ilot ouvrira aussi le premier Centre de jour pour femmes sans abri en Belgique. L’aboutissement d’une prise de conscience, mais le début encore d’un nouveau combat à mener. Parce que le sans-abrisme est une hydre à mille têtes. Dont la diversité des visages raconte le combat d’une société qui tourne à l’envers.

Et qui ferait croire aux concernées que ce sont elles les premières responsables de leur situation. Le drame d’une époque incapable d’accompagner celles qui souffrent, mais d’une société devenue référence quand il s’agit de les pointer du doigt. Elles, ce sont ces femmes dont le parcours de rue raconte d’abord une trajectoire de violences multiples : sociale, économique, physiques, psychologiques, sexuelles…

Ces femmes qui, avant d’arriver en rue, venaient déjà peupler les rangs de ce sans-abrisme qui ne dit pas son nom. Invisibles, mais tellement présentes. Coincées chez un conjoint violent, hébergées un temps chez une amie compatissante, pressées par un propriétaire intransigeant ou condamnées à vivre dans une voiture, paniquées à l’idée de faire subir à leurs enfants la violence de la rue... Enfermées, mais à l’intérieur de ce cercle vicieux, ce carcan qui a longtemps rendu inobservable ce sans-abrisme pourtant de masse.

Un comble quand on se sent si seule. Isolée et presque coupable de l’être. De ne pas être entendue, comprise ou écoutée. À défaut de pouvoir toujours réellement chiffrer ce sans-abrisme-là, il y a maintenant des mots. Les témoignages de celles qui chaque jour fréquentent nos services. Et permettent la prise de conscience de chacun et chacune d’entre nous. Une nécessité pour continuer d’avancer ensemble. Sans plus jamais fermer les yeux.

Merci pour le temps que vous prendrez à lire cette réalité, et pour le soutien que vous nous accorderez !

Ariane Dierickx, directrice générale de L’Ilot

Kart #5 | L’Ilot depuis 60 ans aux côtés des ex-détenu∙e∙s 1024 576 L'Ilot

Kart #5 | L’Ilot depuis 60 ans aux côtés des ex-détenu∙e∙s

Illustration Squarefish

C’est en 1960 que l’ASBL L'Ilot est créée à l'initiative de Jean-Jacques Pagnano. À l’origine de ce projet, on retrouve avant tout une histoire personnelle, une histoire d’amitié entre deux hommes.

Jean-Jacques Pagnano voit, en cette même année 1960, l’un de ses proches amis emprisonné par suite d’un accident de voiture meurtrier commis sous l’effet de l’alcool. Jean-Jacques Pagnano découvre par l’intermédiaire de son ami les réalités de l’univers carcéral. Il constate que les compagnons de détention de son ami n’ont nulle part où aller, une fois libérés.

Touché par le sort des anciens détenus, celui qui deviendra le fondateur de L’Ilot se propose alors de les héberger pour quelques jours. Un an plus tard, en 1961, le premier centre d’hébergement ouvre ses portes à Bruxelles et propose un accueil inconditionnel et un accompagnement aux hommes sortant de prison.

D’autres Maisons d’accueil pour ex-détenus sont créées dans la foulée dans d’autres villes belges (à Marcinelle notamment en 1963, Maison d’accueil qui déménagera ensuite à Jumet) et ailleurs en Europe (France, Italie) et dans le monde (Brésil).

Aujourd’hui, L’Ilot dispose de trois Maisons d’accueil pour hommes (à Bruxelles, Jumet et Marchienne-au-Pont) et d’une Maison d'accueil pour femmes et familles (à Bruxelles). Chacune de ces quatre maisons est un lieu à taille humaine, avec une capacité d’accueil volontairement limitée afin de préserver l’intimité et le bien-être de chacun et chacune.

Parmi les différents profils hébergés dans les Maisons d’accueil, les personnes sortant de prison sont soumises à une procédure d’accueil et d’accompagnement spécifique.

Kart #4 | 24h dans la vie d’une personne sans abri : un monde de violences 1024 608 L'Ilot

Kart #4 | 24h dans la vie d’une personne sans abri : un monde de violences

Illustration Gérard Bedoret

On peut être une femme diplômée, une travailleuse opiniâtre, une mère de famille épanouie et tout perdre. On peut aussi avoir, comme moi ou comme certain·es d’entre vous peut-être, les ressources nécessaires pour s’en sortir en cas de pépin.  La frontière est pourtant souvent ténue entre un cadre de vie idyllique et la détresse qui nous mènera au sans-abrisme.

Le sans-abrisme ne se limite pas aux personnes contraintes de dormir dans la rue. La FEANTSA* élargit ce concept aux problèmes de logements précaires ou inadéquats, faisant entrer de fait dans la population dite sans abri l’ensemble des ménages vivant dans des logements trop chers par rapport à leurs revenus, surpeuplés ou insalubres. Avec les crises que traverse aujourd’hui notre société, le nombre de personnes correspondant à ce profil, et donc en risque de perte de logement, va littéralement exploser.

Cela ne surprendra personne, mais le sans-abrisme ne s’anticipe pas. Dans beaucoup de cas, il ne s’annonce pas non plus : aujourd’hui, l’augmentation de la pauvreté fait que de plus en plus de personnes peuvent, du jour au lendemain, se retrouver sans rien.

Et les causes qui peuvent faire basculer vers le rien sont nombreuses : la perte d’un emploi, le faible niveau des revenus, la monoparentalité, les violences conjugales ou intra familiales, les migrations, les problèmes de santé, une rupture familiale ou amoureuse, le manque de logements abordables, le soutien insuffisant accordé aux personnes sortant d’un centre de soin, de l’hôpital, de prison ou d’autres établissements publics, l’extrême fragilité du réseau social et/ou familial. À cette liste déjà trop longue, on doit désormais ajouter l’augmentation du prix de produits de première nécessité et l’explosion des coûts énergétiques.

Le profil de la population sans abri est tout aussi diversifié. Elle ne comprend pas seulement des hommes seuls. Aujourd’hui, ce sont aussi des femmes et des familles, des jeunes, des enfants, des migrant·es et d’autres publics souvent marginalisés.

Sont aussi concernées des personnes en situation d’exclusion en raison de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre. Un public souvent en situation de rupture familiale, livré à lui-même.

La détresse et la brutalité d’une mise à la rue ne connaissent pas d’équivalent en termes d’exclusion et de violence. En quelques jours, en quelques heures parfois, la confrontation avec le réel dépasse l’entendement.

Une spirale infernale qui guette beaucoup plus de monde qu’on ne le voudrait. Le décalage avec sa « vie d’avant » est parfois vertigineux et favorise les fêlures. Seul·e ou accompagné·e, dans la rue, le vide est partout. Et la société, en roue libre, ne s’arrêtera pas : il faut tellement peu de temps pour devenir invisible. Et des années pour tenter se reconstruire.

Les violences psychologiques vécues par les personnes sans abri sont d’autant plus fortes qu’elles s’accompagnent trop souvent de l’absence ou d’une insuffisance de suivi psychosocial de qualité. Le manque de ressources auquel sont confrontées les personnes concernées favorise cette plongée vers l’oubli, particulièrement pour les femmes qui doivent faire face à des structures peu adaptées à leurs besoins spécifiques. C’est pourquoi, en 2023, L’Ilot ouvrira un nouveau Centre de jour réservé aux femmes et exclusivement pensé par et pour elles.

Au contact de la rue, sans logement, sans accompagnement, il faut si peu de temps pour disparaitre et l’on sait les premières heures décisives. C’est sur celles-ci que je veux insister aujourd’hui. Et c’est notamment pour cela que seules des solutions dignes, structurelles et globales sont efficaces à moyen et long termes.

Parce que, en définitive, la situation des personnes sans abri nous concerne toutes et tous.

Ariane Dierickx, directrice de L’Ilot

* La Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les personnes sans abri.

Enfance et rue : no future ? 900 414 L'Ilot

Enfance et rue : no future ?

Illustration Prisca Jourdain

Mes jeunes années ont été heureuses sur bien des points et elles ont fortement contribué à faire de moi une adulte épanouie et solide. Celles de mon fils et mes deux filles ont suivi et suivent encore le même chemin : scolarité ininterrompue, nourriture équilibrée, fêtes d’anniversaire avec les copains et copines, chambre à soi, entraînement de basket et cours de musique… La norme ? Pas pour tout le monde : beaucoup trop d’enfants, privés de ces besoins fondamentaux, vivent, avec leurs parents, parfois un seul, parfois aucun, en marge d’une société – la nôtre – sans que nous ayons la capacité de répondre à leurs besoins fondamentaux.

Subir l’exclusion alors qu’on n’est encore qu’un nourrisson ? Hors de question ! Et pourtant, cette situation révoltante s’aggrave : on observe une augmentation plus qu’inquiétante du nombre de familles en situation de sans-abrisme. Les derniers dénombrements estiment que 20 % des personnes sans abri sont des enfants ! Et le phénomène, loin de diminuer, s’accélère de manière dramatique. 

De plus en plus de familles sans abri ou en risque de sans-abrisme – souvent portées à bout de bras par des mamans solo – font appel à nos services pour s’en sortir. Mais le manque criant de solutions pérennes que notre secteur peut leur apporter creuse toujours un peu plus le fossé qui les sépare d’un futur digne, dans un chez-soi bien chauffé, avec un frigo suffisamment rempli, sans la menace d’un huissier ni la peur d’une expulsion … 

Mettre en place des réponses adéquates et coordonnées pour les parents, c’est sortir leurs enfants de la boucle du déterminisme social, éviter que la précarité ne se transmette de génération en génération. Car une famille qui n’a pas de logement aujourd’hui risque de mettre des années à sortir de la précarité et tout ce qu’elle entraîne : non accès à une alimentation saine, détérioration de la santé physique et mentale, risque accru de violences conjugales et/ou intrafamiliales, non accès à la culture et aux loisirs, etc. Vivre sans toit, sans droits, c’est la condamnation à un travail de reconstruction extrêmement lourd, quand celui-ci est seulement envisageable. Pour les enfants, c’est aussi le risque d’un parcours scolaire perturbé ou brutalement interrompu, le renoncement aux loisirs, la perte de confiance en soi… L’insouciance et la légèreté font place à la peur et au sentiment d’insécurité. Ces enfants grandissent trop vite et portent dans leur sac à dos des problèmes qui ne devraient pas les concerner.

Je suis persuadée que les solutions durables pour toutes celles et ceux qui sont confrontés au sans-abrisme et au mal logement devront être pensées ensemble. Le décloisonnement sectoriel mais aussi un travail coordonné entre les responsables politiques et les associations de terrain sont plus que nécessaires pour que les droits des femmes, des jeunes ou des enfants soient, un jour, pris en compte et rencontrés dans une dynamique globale. Les lignes budgétaires comme elles sont pensées à l’heure actuelle ne permettent que trop rarement d’avancer dans cette logique d’intersectorialité.

Sans ce travail coordonné, sans moyens financiers conséquents, toujours trop d’enfants continueront à subir la pauvreté et l’exclusion au quotidien, seront privés dans les années à venir de leur droit fondamental au bonheur et à l’insouciance. 

Il en va de notre responsabilité à tous et toutes. Leur avenir est entre nos mains.

Ariane Dierickx, directrice de L’Ilot